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Sans doute ne te souviens-tu pas de ce jour.

Sans doute ne te souviens-tu pas de ce jour. Il faut dire que c’était il y a plus de dix ans. On avait environ 14 ans. C’était après les cours, on était dans la même classe au collège. Et c’était plutôt pratique, comme on habitait l’un en face de l’autre, on pouvait faire nos devoirs ensemble. Jusqu’à ce jour. On était chez mes parents. On avait fini nos devoirs, mes parents étaient partis. Ma sœur était dans sa chambre. Au moment de se dire au revoir, tu m’as prise dans tes bras. Je me souviens de ton étreinte solide, je ne pouvais pas en sortir, comme dans les anneaux d’un gros serpent. Et puis tu as glissé ta main entre mes jambes, et là j’étais pétrifiée, je regardais par la fenêtre, j’espérais voir la voiture de mes parents arriver pour que tu arrêtes. Je t’ai d’ailleurs dit qu’ils allaient arriver mais tu n’as pas desserré les bras. Pire que ça, tu m’as fait reculer sur le lit qui était derrière moi. Tu n’étais pas gros mais tu m’as écrasée de tout ton poids, je n’arrivais pas à te repousser, pourtant j’ai essayé. Tu étais lourd, j’étais bloquée. Ce poids sur mon corps, je le ressens encore parfois, je suffoque, je panique. Au bout d’un moment, tu as enfin compris que je ne voulais pas de toi, que je voulais que tu partes, que tu me lâches. Tu es parti. Ce moment, ces quelques minutes, j’ai eu l’impression qu’elles avaient duré des heures. Et il me revient en mémoire sans cesse. Attouchements sexuels, ça s’appelle. Les années ont passé, on n’est pas allés dans le même lycée. Puis je suis partie pour mes études. Mais comme moi, tu reviens de temps en temps pour rendre visite à ta famille, et il m’arrive de t’apercevoir quand le hasard veut que nous y soyons en même temps. Et alors, l’angoisse monte, je détourne le regard, la boule dans la gorge. Ça fait plus de dix ans mais c’est comme si c’était arrivé hier.

Si ce jour-là tu étais simplement parti sans essayer d’abuser de moi, ma relation aux hommes aurait sûrement été différente. Je n’aurais pas non plus culpabilisé en croyant que j’avais provoqué cette situation ou que j’aurais pu faire quelque chose pour t’arrêter alors que j’étais paralysée. Sans doute ne te souviens-tu pas de ce jour. Il me revient pourtant en mémoire à chaque instant et me pourrit la vie.


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